SERIOUS GAME EN SALLE : 410 ETUDIANTS DONNENT LEUR AVIS

Je concluais l’article « Serious game en salle : quelles postures pour le formateur ? », par les premiers résultats de l’enquête menée auprès de 2 groupes d’étudiants (35 au total). Promesse était faite de mener une enquête plus large. Au final, au cours des deux années suivantes, 410 étudiants ont eu l’occasion de vivre la même expérience.

Un questionnaire leur a été distribué à chaud, de manière anonyme, pour recueillir leur témoignage. Ce second article fait le compte-rendu détaillé des données collectées. Il est donc la compilation et la synthèse de l’expression d’un ressenti.

Premier regard en couleurs

Ce tableau regroupe la totalité des résultats du questionnaire rempli par tous les étudiants à l’issue de la séance. Chaque réponse est donnée sur un barème allant de 0, pour « Pas du tout d’accord » à 5, pour « Tout à fait d’accord », représenté par ce code couleur :  

2017-2018
2018-2019
2019-2020

Un premier regard en couleurs nous permet de faire deux premières observations très générales :

  • Une dominante verte, plutôt encourageante quant au taux d’adhésion des élèves (les propositions faites sont formulées de manière positive),
  • Des réponses globalement homogènes d’une année à l’autre.

Que pouvons-nous comprendre et déduire de toutes ces données ? Les réponses des étudiants confirment-elles les premières observations ? Décryptage…

1 – Un ressenti très positif

Un cours plus sympa, plus vivant et plus moderne…

La première question posée visait à recueillir leur ressenti immédiat vis-à-vis du cours qu’ils venaient de suivre. La réponse est extrêmement positive !

Les étudiants, en grande majorité (la cotation moyenne se situe à 4,3/5), considèrent que l’utilisation des Serious Game rend le cours plus plaisant (sympa), vivant et moderne.

  • 83 % des étudiants attribuent l’une des deux cotations maximales à chacun de ces critères.
  • 1,4 % des étudiants attribuent l’une des cotations minimales (0 ou 1) à 1 ou 2 des critères, aucun ne l’attribue aux trois critères.
  • On observe également que la répartition entre les cotations varie peu d’un critère à l’autre (51 % à 56 % pour la cotation 5 et 29 % à 32 % pour la cotation 4).

Autrement dit, les caractères plaisant, vivant et moderne du Serious Game sont trois composantes équilibrées de la satisfaction ressentie par les étudiants.

Ce résultat nous confirme le plaisir pris par les étudiants durant la séance, et pourrait à lui seul légitimer l’usage de l’outil.

…et plus efficace pour apprendre

Le quatrième critère proposé était celui de l’efficacité pédagogique de l’outil. Là aussi le résultat est très positif, quoi qu’un peu moins élevé, avec une cotation moyenne de 3,85/5.

67 % des étudiants attribuent l’une des 2 cotations maximales à ce critère, et 30 % une des 2 cotations moyennes (3 % attribuent la cotation 0 ou 1).

–> L’enthousiasme est donc un peu moins marqué que sur les critères précédents, mais reste fort. L’efficacité pédagogique est donc, pour presque tous, dissociée du plaisir mais bel et bien perçue.

La suite du questionnaire s’intéresse principalement à cet aspect : en quoi, et pourquoi les étudiants perçoivent-ils une plus grande efficacité du Serious game en tant qu’outil d’apprentissage ?

2 – Plus efficace, c’est-à-dire…

Par rapport à un cours traditionnel

L’efficacité perçue du Serious game est comparée dans un premier temps à celle d’un cours traditionnel, sur trois niveaux : la compréhension, la mémorisation, et la capacité à mettre en application.

Sur ces trois plans, une plus grande efficacité pédagogique du Serious game est déclarée, avec trois cotations moyennes proches de 3,7/5.

  • le faible écart entre ces moyennes reflète à nouveau une opinion générale. 80 % des étudiants attribuent en effet des cotations très proches sur ces trois points (un point d’écart au maximum).
  • 63 % pensent avoir mieux compris et attribuent l’une des 2 cotations maximales à ce critère. 60 % pensent avoir mieux mémorisé, et 62,5 % pensent qu’ils sauront mieux appliquer.

Par rapport aux vidéos/jeux de rôles

Lorsque la même question leur est posée, mais en comparant cette fois-ci le serious game à d’autres modalités comme les vidéos ou les jeux de rôles, les scores reculent, avec des moyennes proches de 3,35.

La proportion d’étudiants ayant attribué la cotation 4 ou 5 est de :

  • 48 % pour « j’ai l’impression que j’ai mieux compris »,
  • 47 % pour « j’ai l’impression que j’ai mieux mémorisé »,
  • 45 % pour « j’ai l’impression que je saurai mieux appliquer ».  

Elle baisse donc d’une quinzaine de points par rapport à la comparaison avec un cours traditionnel.

Une analyse plus fine des réponses des étudiants permet de préciser cette classification, en comparant l’écart entre leurs réponses selon qu’ils comparent le serious game au cours traditionnel ou aux vidéos/jeux de rôle.

Sur les trois critères :

  • la moitié des étudiants environ (de 47 à 49 %) donnent la même cotation dans les deux cas. Ils situent les cours traditionnels et vidéos/ jeux de rôle au même niveau, et attribuent par conséquent un statut spécifique au serious game.
  • 25 à 29 % des étudiants expriment un accord légèrement plus marqué (1 point d’écart dans la cotation) quant à l’efficacité pédagogique du serious game lorsqu’il la compare à celle du cours traditionnel. Pour eux, les vidéos/jeux de rôle prennent place entre le cours traditionnel et le serious game sur la courbe croissante de l’efficacité pédagogique.
  • 9 à 11 % des étudiants expriment un accord nettement plus marqué (2 ou 3 points d’écart dans la cotation) lorsqu’ils comparent le serious game au cours traditionnel. Pour eux, donc, c’est surtout l’usage de modalités différentes du cours traditionnel qui rend l’apprentissage plus efficace. Qu’il s’agisse de vidéos/jeu de rôle ou d’un serious game importe moins.
  • enfin, une part significative des étudiants attribuent une meilleure efficacité pédagogique (1 point d’écart au moins dans la cotation) au serious game lorsqu’ils le comparent aux jeux de rôles / vidéos plutôt qu’au cours traditionnel. Cette proportion est d’environ 16 % sur les critères de la mémorisation et de la compréhension, mais tombe à 11 % sur celui de la capacité à appliquer.

–> Dans tous les cas, les résultats confirment l’intérêt d’utiliser toute modalité qui permet de mettre en scène des situations réelles. Ce n’est pas une surprise, celles-ci facilitent la projection et la création d’un lien concret immédiat entre les connaissances acquises et l’univers professionnel dans lequel il faut ou faudra les mettre en œuvre.

Le Serious game s’inscrit dans cette ligne, tout en disposant d’atouts qui lui sont propres, dont il s’agit de tirer le meilleur parti. Quels sont ces atouts et quelle est leur force ? La suite du questionnaire initie cette réflexion.

3 – Plus efficace, pourquoi ?

J’ai soumis aux étudiants quatre propositions complémentaires pour expliquer l’intérêt pédagogique ressenti.

  • Les deux premières (« on s’implique, donc on se concentre » et « on confronte nos choix ») s’appuient sur l’engagement suscité par le Serious game.
  • Les deux suivantes (« on compare la situation virtuelle avec notre expérience » et « on discute après coup de nos pratiques en entreprise ») reposent sur la capacité des étudiants à faire le lien entre la situation virtuelle et leur propre expérience en entreprise.  

Les résultats montrent que :

  • 81 % des étudiants donnent une des deux cotations maximales (4 ou 5) à l’hypothèse « On s’implique donc on se concentre »
  • 82 % font de même pour l’hypothèse « On confronte nos choix ».
    La comparaison avec leur expérience et l’échange de pratiques viennent ensuite, avec 53 et 47 %. Il faut préciser que les étudiants interrogés suivent pour la plupart leur cursus en formation initiale, et ont une expérience en entreprise encore très limitée, voire inexistante.

    Ces deux hypothèses ne s’appliquent pas réellement dans leur cas.

–> Ce sont donc l’engagement dans l’activité et l’échange qui sont placés en tête par les étudiants. Cela corrobore ce qui était observé dès les premières sessions. Je mentionnais en effet dans mon article précédent que « les étudiants accrochent, s’impliquent dans leurs choix, interagissent entre eux et avec le jeu… ». C’est bien cette interactivité à deux niveaux que l’on retrouve dans leurs déclarations.

Le travail en binôme, modalité pédagogique que j’ai choisie justement pour favoriser la confrontation des choix, est donc au cœur du processus. Comment les étudiants l’ont-ils perçu ? C’est ce que j’ai cherché à savoir pour finir.

4 – Le travail en binôme

Les dernières questions posées aux étudiants s’intéressent au travail en binôme, sur deux axes : la richesse/nature des échanges, et le plaisir (ou la frustration) pris à faire à deux.

Concernant leurs échanges, les étudiants se sont positionnés sur 3 affirmations. Pour chacune, le pourcentage d’étudiants ayant attribué l’une des deux cotations maximales (4 ou 5) est de :

  • 65 % pour « Nous avons beaucoup discuté pour prendre nos décisions »
  • 75 % pour « Nos échanges étaient argumentés »
  • 75 % pour « Nous étions souvent d’accord sur les options à choisir »

Pour les 3 affirmations, le pourcentage monte à 90 % si l’on ajoute la cotation 3.

–> Quoi qu’il en soit, on constate que le fait de discuter, et surtout d’argumenter, n’est pas lié au fait d’être ou non d’accord sur la décision à prendre. L’échange a sa place dans le processus y compris quand les deux membres du binôme sont en phase.

Concernant l’appréciation du travail en binôme, j’ai interrogé les étudiants sur 3 points, en considérant comme toujours ceux qui ont attribué la cotation 2 ou 3 à la proposition faite :

  • 93 % trouvent « qu’il y avait une bonne ambiance dans notre binôme »
  • 7 % ont « ressenti de la frustration au cours de la coopération »
  • 9 % auraient « préféré réaliser seul(e) ce serious game ».

–> Les étudiants plébiscitent le travail en binômes, pour lequel ils prennent un réel plaisir. J’ai pu le constater très concrètement en séance, en les voyant (et surtout en les entendant) s’exclamer, se féliciter, réagir ensemble… en bref, partager.

5 – En synthèse

Les résultats de ces 3 ans d’expérimentation confirment ceux obtenus auprès du panel initial, à savoir :

  • Un plaisir unanime à utiliser l’outil, qui dynamise la séance,
  • Un engagement fort dans l’activité,
  • Un sentiment de mieux apprendre.

S’agissant du plaisir à utiliser l’outil, il s’agit par nature d’un ressenti, les déclarations des étudiants suffisent donc à en faire la preuve.

L’engagement et l’efficacité pédagogique, quant à eux, constituent des axes de recherche à part entière. Une expérimentation élargie (avec d’autres serious game et une équipe d’enseignants-chercheurs) sera menée pour réfléchir en particulier à l’intérêt d’utiliser le serious game et plus précisément les simulations pour former les étudiants au management.   

SERIOUS GAME EN SALLE : QUELLES POSTURES POUR LE FORMATEUR ?

Cet article relate une expérience d’enseignement du management en formation initiale (niveau master), fondée essentiellement sur l’utilisation de serious games en salle. Il analyse l’impact de cette méthode sur la posture du formateur et propose des pistes de réflexion quant aux outils d’accompagnement qui devraient être mis à la disposition des enseignants et formateurs. A défaut, à ce stade, d’une évaluation quantifiée des compétences acquises et d’une comparaison avec les résultats obtenus dans une approche traditionnelle, il restitue en conclusion la perception qualitative des étudiants quant à l’intérêt de cet enseignement. Compte tenu du profil des étudiants, de la densité des groupes et des scénarios pédagogiques mis en œuvre, ces conclusions paraissent parfaitement transposables à des cas de formation continue en entreprise.

De la conception à l’animation

Conceptrice de serious games pendant plus de 10 ans, en particulier de simulations et de mises en situations managériales, j’ai abordé de nombreux projets de formation sous l’angle du besoin client. Celui-ci s’exprimait le plus souvent par l’attente d’un retour sur investissement (ROI), et donc d’une efficacité pédagogique mesurable. Comment l’obtenir ? S’agissant de serious games, cette efficacité découle d’un travail fin sur le game design, et son imbrication étroite avec le scénario, les objectifs et les contenus pédagogiques. On favorise de cette façon l’implication et l’attention soutenue, et un meilleur ancrage des connaissances et compétences acquises sur la durée.

Je consacre désormais une partie de mon temps à l’enseignement ; j’interviens auprès des élèves de Master 2, spécialité Stratégie et Communication Digitale (Université Savoie Mont-Blanc), et de ceux du Master 1 Transmédia (Sciences Po Grenoble), sur les thématiques du management et de la gestion de projet.

J’ai naturellement choisi le serious game comme modalité, et en ai fait l’épine dorsale de mon cours. En accord avec Daesign, éditeur de référence dans le domaine, j’ai fait le choix de baser l’animation des séances (une quinzaine d’heures par groupe) sur l’utilisation de 3 serious games de son catalogue :

  • Gérer son temps
  • Déléguer une tâche/une mission
  • Manager à distance

Le bilan de l’expérience est très positif : j’ai pu constater l’efficacité de l’outil, et le plaisir que prennent les apprenants à l’utiliser. Mais j’ai surtout pu mesurer l’impact de l’usage du Serious game en salle sur le rôle même du formateur. La préparation du cours, les modalités d’animation, la posture adoptée en salle en sont transformées.

Conceptrice, mes questions étaient : « l’interaction entre l’apprenant et le serious game se déroulera-t-elle comme je l’imagine et lui apportera-t-elle les bénéfices que le produit lui promet ? ».

Formatrice, cette question est devenue : « Quand je vois les étudiants s’impliquer, réfléchir à voix haute, se défier… quelle posture de formatrice dois-je adopter en séance pour tirer parti de cette énergie ? ».

Au terme de l’expérience, j’en distingue trois…

1 – Le formateur-concepteur

C’est le cas très particulier – et évidemment non généralisable –  dans lequel je me suis trouvée lors des premières sessions. J’ai utilisé deux serious game dont j’avais activement contribué à l’écriture, et dont je connaissais le scénario, le gameplay, l’interface, et surtout le modèle.

J’entends par « modèle » l’ensemble des règles, principes, bonnes pratiques et outils pris comme référence, et la façon dont le scénario les articule pour déterminer les enchaînements d’action, le calcul du score, le choix des feedbacks… tout ce qui constitue le cheminement et la progression de l’apprenant.

De fait, ayant moi-même créé ou co-créé les modèles sous-jacents aux simulations et à leur mise en scène, j’étais armée pour recevoir, et même anticiper tout commentaire ou question de la part des apprenants, et y répondre de manière argumentée.

J’ai donc naturellement placé l’utilisation des serious game au cœur des séances de cours. J’en ai fait leur fil rouge et principal support. Les étudiants (12 au total) jouaient en sous-groupes ou collectivement. La session était systématiquement suivie d’une restitution collective. J’ai traité les points du programme non couverts par les jeux de manière traditionnelle (apport théorique et cas pratiques) dans des séquences dissociées.

En deux mots :

  • Les séquences serious game, une fois lancées, génèrent une dynamique propre, ce sera le cas à chaque fois : les étudiants accrochent, s’impliquent dans leurs choix, interagissent entre eux et avec le jeu.
  • Les messages pédagogiques sont transmis au fil des échanges qui s’instaurent naturellement durant les séquences de jeu. Il est aisé ensuite de les expliciter et mettre en évidence lors de la restitution qui donne lieu à de nombreux commentaires et débats.
  • Les séquences de cours traditionnel sont alors vécues comme en rupture avec les précédentes, et il est difficile d’en maintenir le lien et la fluidité.

    Le cas particulier du formateur-concepteur permet de valoriser de manière optimale l’usage du serious game. Les séquences traditionnelles ne sont pas impactées, leur qualité reste directement dépendante de celle de l’animation.

    2  – Le formateur-utilisateur

    C’est le schéma le plus courant, que j’avais déjà pu observer dans divers projets. Le Serious game est fourni au formateur au titre d’outil pédagogique (comme pourraient l’être des manuels scolaires ou d’autres supports, digitaux ou non), et celui-ci l’intègre à son cours, dans une ou plusieurs séquences.

    J’ai eu l’occasion de m’approcher de cette posture, car un des serious game que j’ai utilisés ne m’était pas aussi familier que les autres. Je l’avais pratiqué, j’en connaissais le scénario et les principes, mais n’en maitrisais pas le modèle sous-jacent.

    J’ai mis en œuvre les mêmes modalités pédagogiques que lors des premières sessions, en privilégiant l’utilisation en sous-groupes et/ou collective, suivie d’une mise en commun.

    En deux mots :

    • Les séquences de jeu et de restitution sont interactives, dynamiques, comme précédemment.
    • Ça reste donc très positif, mais à double tranchant… Les questions, critiques, idées émises par les étudiants foisonnent : « Pourquoi ce résultat ? », « Si on avait fait ce choix, qu’est-ce qui se serait passé ? ». Il est parfois délicat de répondre à ces questions qui concernent les fondements du jeu… comme de ne pas y répondre. Et ça peut être frustrant, car ces moments sont toujours l’opportunité d’un échange constructif pour l’apprentissage.
    • De même, il est difficile de sortir du cadre prévu par le jeu et de laisser place à l’improvisation et à l’adaptation. Les deux sont pourtant nécessaires car les étudiants – et c’est bien le but – ne se gênent pas pour sortir du cadre. Adopter des stratégies volontairement contre-productives (autrement dit, « faire tout faux ») par exemple, et voir quelles conséquences elles génèrent, est souvent leur premier réflexe. On peut le faire pour le seul plaisir, mais l’exploiter pédagogiquement en discutant des effets obtenus et de leurs causes, c’est encore mieux.

    Le serious game génère toujours beaucoup d’attentes de la part des apprenants, mais sa maîtrise par le formateur peut réclamer un travail important, le concepteur n’étant pas impliqué dans le processus.

    3 – Le formateur-maître du jeu

    Aguerrie après ces premières expériences, j’ai abordé différemment les dernières séances. J’ai travaillé avec les concepteurs du jeu jusqu’à connaître parfaitement le modèle qu’ils avaient mis au point.  Je les ai questionnés sur les fondements théoriques, les partis-pris, la philosophie générale et les cas particuliers. J’ai ensuite conçu une structure prenant le serious game pour centre comme dans les autres cas, mais j’ai enrichi les séquences de restitution en passant plus de temps sur l’extraction des idées clés, les bonnes pratiques à retenir, les connaissances théoriques associées, qu’elles soient ou non couvertes par le serious game, à différents degrés d’approfondissement.

    Autrement dit, j’ai fait du serious game non seulement le support de transmission initial, mais aussi de construction du reste du cours.

    En deux mots :

    • Les séquences de jeu ont affiché le même degré d’intensité et d’interaction. Les questions, suggestions, prises de positions et débats ont démontré la capacité du jeu à susciter un apprentissage actif, engagé et spontané.
    • La séance est fluide, elle forme un tout cohérent, sans rupture de rythme.
    • L’espace de liberté des étudiants s’est avéré maximal. S’adapter en temps réel à leurs idées, leurs envies, parfois leurs défis, en insistant toujours sur ce qu’ils projettent, et ensuite ce qu’ils en retirent est possible si on le juge pertinent.
    • Mon espace de liberté de formatrice a lui aussi été maximisé. Il s’est manifesté à travers deux prérogatives clés du maître de jeu traditionnel des jeux de rôle :
    • Le maître de jeu définit les missions: il s’appuie sur le scénario du serious game mais peut choisir de s’en écarter, par exemple : demander aux apprenants un résultat décalé qui les oblige à réfléchir différemment et apporte un éclairage oblique, fait expérimenter différentes conséquences et de nouveaux défis.
    • Il détient et exprime « la vérité du jeu ». Les réponses aux questions des apprenants qui ne seraient pas fournies par le serious game lui-même relèvent de la pleine responsabilité du formateur. Il est libre d’imbriquer sa vision des choses dans celle du jeu, et s’offre ainsi une possibilité supplémentaire d’amener les étudiants vers des réflexions pertinentes et constructives.


    Dans sa posture de maître de jeu, le formateur valorise son expertise personnelle, ses connaissances, sa vision de la thématique qu’il enseigne. Il joue un rôle transversal et complet.
    Dès lors, le terme de « Maître de jeu » prend tout son sens. Et le mot « jeu » désigne alors aussi bien le serious game, que le formateur maîtrise et utilise à sa guise, que toute la séance d’apprentissage.

    Les séquences traditionnelles et celles qui utilisent le Serious game ne sont plus distinctes. C’est la valeur ajoutée globale de la séance qui est augmentée, puisqu’elle intègre désormais celle du formateur ET celle du serious game. Le concepteur joue à nouveau un rôle dans le processus, car il a formé le formateur.

       Le serious game, super-pouvoir du formateur ?

    A ce stade n’allons pas jusque-là, mais l’utilisation du Serious game est un réel bénéfice, et ce quelle que soit la posture adoptée, car :

    • Le niveau d’interaction est élevé: entre les étudiants et le jeu, entre les étudiants eux-mêmes, et entre les étudiants et le formateur. Qui dit interactif dit vivant, dynamique, impliquant… conditions excellentes pour un apprentissage efficace.
    • Les formats sont variés: les messages pédagogiques sont transmis via les consignes, les animations, les dialogues, les feedbacks… et bien sûr à travers les nombreux choix proposés à l’apprenant. Qui dit variété dit chasse à l’ennui, mais aussi complexité, défi, sollicitation des capacités cognitives et de la créativité.
    • Le serious game, plus particulièrement encore la simulation, permet d’essayer, jauger, recommencer, comparer…Qui dit apprentissage par essai-erreur dit progression.
    • Un gameplay, avec mission, objectifs, niveaux de difficulté, challenges, score… fait d’un serious game un jeu digne de ce nom. Qui dit jeu dit plaisir et motivation.

    S’y ajoutent la liberté d’action offerte aux apprenants, une séance fluide et propice aux échanges de bout en bout… si l’on est dans la posture du formateur-maître du jeu. Cela nécessite donc de connaître les arcanes du serious game.

    Mais quels sont les moyens dont dispose le formateur pour y parvenir ? Etre formé par les concepteurs, bien sûr, mais aussi jouer, jouer et encore jouer… tester au moyen d’une séance pilote, toujours riche d’enseignements. Le prix n’est pas si élevé si l’on y regarde de près, d’autant que le temps investi initialement sera récupéré par des séances plus légères à préparer. Et bien sûr, pas question de le faire seul.

    Une formation dispensée par les personnes qui ont conçu l’outil est une solution simple et accessible, mais d’autres outils, comme des guides du formateur (papier, et/ou en ligne et interactifs), peuvent répondre au besoin, de façon plus légère et souple.

    Charge aux éditeurs d’intégrer l’usage en salle dès la conception des serious games, et de prévoir les outils associés. Ceux-ci permettront aux formateurs de s’approprier rapidement et facilement les produits, et d’y associer leur propre expertise. Tout le monde en sortira gagnant, et en premier lieu les apprenants.

    Justement… qu’en disent-ils ?

    L’avis des étudiants

    Je reviendrai dans un article ultérieur sur les réactions détaillées des étudiants, pendant et après les séances. En attendant, un questionnaire en ligne m’a permis d’obtenir quelques premiers retours. A chaque affirmation, les étudiants ont répondu sur une échelle de 0, signifiant « Pas du tout d’accord » à 5, signifiant « Tout à fait d’accord ».

    Sur les questions concernant l’intérêt global qu’ils ont trouvé à utiliser les Serious games, voici les résultats :

    Affirmation Note moyenne obtenue /5
    L’utilisation des Serious games a rendu le cours

    . Plus vivant :

    . Plus moderne

    . Plus efficace pour apprendre

    4,8

    4,7

    4

    Par rapport à un cours « traditionnel », j’ai l’impression que :

    . J’ai mieux compris

    . J’ai mieux retenu/mémorisé

    . Je saurai mieux appliquer

    4,1

    4,2

    4,2

    Pédagogiquement c’est intéressant parce que :

    . On s’implique, donc on se concentre

    . On confronte nos choix

    . On compare la situation virtuelle avec notre expérience

    4,6

    4,5

    4,2

    Pour l’instant subjectifs mais très encourageants, ces résultats seront étendus dès l’année prochaine à un panel de plus de 100 étudiants, ce qui permettra la mise en place, le test et la comparaison de plusieurs modalités. De la matière en perspective…